Voir dans l'arbre
Dans la famille du fils, le non-dit occupe une place de choix. On ne dit rien pour protéger et, surtout, ne pas déranger. Alors que la santé du père dégringole, autour de la passoire où les groseilles s’égrènent, le fils questionne sa mère-moineau. Il veut voir la tête des hommes de son arbre. Il est loin de se douter des remous que sa question va provoquer, pas forcément dans les branches qu’il croit.
Voir dans l’arbre, c’est l’histoire d’une vie volée, celle d’une mère et de ses papas. C’est le récit d’une quête de lumière pétrie de rebondissements qui mène un fils jusqu’à l’autre côté de l’océan-flaque sur la trace d’ancêtres inconnus. C’est le tissage du fil du sang.
Rouge racine.
Quand un système souffre - un corps, une tête, une famille ou un pays - rien ne sert de le bourrer de pilules, de distractions, de jeux, de sport ou de pain blanc. Tant qu’il n’a pas l’information qu’il cherche, ces mesures ne font qu’en sucrer les bords. Pendant ce temps, dans les caves, la moisissure progresse. Peu lui importe si ce qu’elle touche est une poutre vermoulue, un livre oublié dans une caisse ou la bouteille qu’on garde pour une occasion qui en vaille le jus.
Les champignons avancent lentement. Le système peut patienter, une génération, deux. Vient le moment où la vérité n’en peut plus d’être coincée dans son éprouvette. Il est temps d’aérer les caves, d’entrebâiller les vasistas, d’épousseter les étagères et de racler le fond d’eau qui stagne. La lumière peut prendre la forme d’une simple question. Formulée à la bonne personne au bon moment, avec l’innocence de l’enfant qui veut voir, entendre et savoir, celle-ci peut changer le cours d’une histoire.